Dans ses mémoires, Primo Levi raconte son internement dans un camp puis son évasion. Alors qu'il se réjouit de la liberté retrouvée, son compagnon d'évasion le rappelle à la réalité : « la guerre est éternelle ».
La vie passe, les villes se bâtissent et se développent au gré des fortunes et du sens des époques. La géopolitique se charge du reste. Les villes antiques et médiévales se sont ceintes de remparts pour mieux se défendre en édifiant des palissades ou des murailles maçonnées et en laissant, motif spatial souvent minoré dans la pensée urbaine, un glacis libre, théâtre potentiel de l’assaut des assaillants et de la défense des assiégés. À cette poliorcétique a succédé au XXe siècle un autre type de mur et de glacis pour énoncer le statu quo de frontières géopolitiques réputées infranchissables.
Le mur de Berlin en fut l’élément majeur. Il fut érigé dans la nuit du 12 au 13 août 1961 par la République démocratique allemande pour séparer physiquement Berlin Est de Berlin Ouest. Ce mur avait une épaisseur : deux murs de 3,6 mètres de haut en fait avec un glacis intermédiaire. Le mur ne tombera que le 9 novembre 1989 sous la pression populaire mais d’autres « murs » ont été édifiés ailleurs pour perpétuer cette incarcération urbaine.
La ligne verte démilitarisée par l'ONU partage depuis 1974 l'île de Chypre entre la République turque de Chypre du Nord et la république de Chypre. L’Inde a construit un mur de 3 200 km de long de sa frontière pour se couper du Bangladesh, Israël la fait aussi pour se couper hier des territoires palestiniens et aujourd’hui des migrants… Selon les observateurs, il existerait en 50 et 70 murs physiques dans le monde dont la construction s’est accélérée après les attentats de 2001 puis sous l'effet des migrations internationales à partir de 2015.
Extrait du texte de Jean Richer.
Lignes de front a été réalisé par L'Atelier de recherche temporelle, Fontenay le Comte, décembre 2020.
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